(Alessia) Pourquoi briser mes rêves ? Ils ne dérangeaient personne.

« Doucement, Le Chat ! » je murmure en pénétrant à l’intérieur du petit appartement que je louait depuis maintenant deux mois. Le gros matou roux avait débarqué dans ma vie le jour où j'avais signé le contrat de location. D’après l’agent immobilier, il avait été recueilli par les anciens locataires. De toute évidence, ils étaient partis sans lui et je n'avais pas le cœur de l’abandonner une seconde fois, je l'ai gardé, puis faute de mieux, je l'ai baptisé le Chat. Ce n’était pas un prénom, mais le minet s’en était accommodé. Il avait dû sentir que je revenais de la supérette ou j'avais acheté des croquettes pour lui car il ne cessait de miauler en passant entre mes jambes. Mais j'avais autre chose en tête que de vider mes provisions pour le moment. Je bazardais mes chaussures, les laissant en plan dans l’entrée, jetais mon manteau d’hivers en vrac sur le canapé, puis attrapais le carnet à spirale et le stylo bille violet que j'avais laissé sur la table basse. Ce carnet, c’était mon journal intime, que je tenais depuis mes sept ans. Lovée dans le canapé, le journal contre mon cœur, je me replongeais dans mes souvenirs. J'avais reçu mon premier journal le jour de mon septième anniversaire. Il était de couleur rouge, il n’avait rien de bien extraordinaire et je l'avais trouvé trouvé indigne d’intérêt. J'avais pensé qu’avec l’arrivée prochaine de ma petite sœur, quatrième enfant de la famille, j'aurais eu un cadeau plus respectable. Aussitôt après être retourné dans ma chambre, j'avais le cahier dans mon coffre à jouets, bien décidée à l’oublier. A ce moment, je ne me doutais pas que le livret ressortirait de l’oublie plus vite que prévu. Lexie, ma petite sœur est née une semaine après, et contre toute attente, je l’ai tout de suite adorée, même si pour le moment, Lexie ne faisait que brailler à plein poumon dès que quelqu’un avait le malheur d’ouvrir la bouche.

Et puis, trois mois ont passés. Ce soir-là, toute la famille allait voir un spectacle de danse sur glace, et une baby-sitter s’occupait du bébé. Tout allait pour le mieux, pourtant, lorsque la famille est revenue, les pompiers se trouvaient dans l’allée. Étrange. Pas très rassuré à l’idée de ce qu’ils pourraient découvrir, ils hâtent le pas. A l’intérieur, l’adolescente embauchée pour la soirée est en larmes, incapable de parler. C’est le pompier en chef qui annoncera la terrible nouvelle. Lexie n’est plus là, elle est partie pour toujours, emportée par ce qu’on appelle la mort subite du nourrisson. Rare de nos jours, mais malheureusement pas impossible. Aucune erreur n’a été commise, son petit cœur a simplement cesser de battre. Mes parents accusent le choc, tout comme mon frère ainé et mon autre sœur, ils souffrent bien sûr, mais ma réaction à moi est toute autre, car je ne comprend pas pourquoi je ne reverrais jamais ma petite sœur. Alors, quand quelques jours plus tard, quelques jours après les funérailles du bébé, on m'emmène voir un psychologue pour enfant, le docteur me dit que je dois chercher un moyen de libérer ma peine, de retour dans ma chambre, je vais chercher ce carnet rouge dont je ne voulais pas et pendant de longues heures, je m'applique à écrire tous les souvenirs que je garde de Lexie, afin de ne jamais oublier ce petit bébé que j'aimais plus que tout au monde. Depuis cette date, j'ai noircie des pages et des pages, au point d’en être aujourd’hui à mon trentième volume. J'écris tous les jours, voire plusieurs fois par jour. De la pluie et du beau temps, de ce que j'ai mangé, vu à la télévision, des gens que j'ai rencontrer. Tout y passe. Cela ne sert pas à grand-chose, car je ne compte pas publier mes mémoires un jour, mais j'aime écrire, ça m’aide à échapper à mon quotidien, qui parfois peut être bien triste.

Trois ans après la mort de lexie, nous avons quitter Rome pour l'Australie, et plus précisément pour Byron Bay. Passionné de plongée sous-marine, mon père rêvait de s'installer là-bas. Encore trois année qui passent, le souvenirs de la petite Lexie est toujours présent, mais nous sommes heureux, c'est l'essentiel. Seulement, un nouveau coup du sort s'abat sur notre famille le jour ou mon père se noie pendant un cours de plongé. Pour moi, c'est insupportable. J'avais déjà eu un mal de chien à accepter la mort accidentelle de ma petite sœur, maintenant mon père, c'est juste trop. Ça suffit. Je commence à faire n'importe quoi, je suis virée de mon collège alors que j'avais toujours de bonnes notes, simplement parce que je suis isolante envers mes professeurs et envers mes camarades. J'obtiens tout de même mon baccalauréat et à dix-huit ans, je quitte le pays pour revenir en Italie. Je ne pouvais pas partir avant, il fallait que j'attende d'être majeur, il fallait que j'attende d'être diplômée. Et puis, je ne supportais plus de vivre là bas, de voir ma mère pleurer. Je sais qu'en partant, je n'arrange pas les choses, mais je suis égoïste, j'ai envie de penser à moi. Je m'inscris dans une école de commerce, mais bien vite, je laisse tomber. Je préfère vivre de petits boulots et de conneries. C'est plus facile, ça aide à oublier. Quoique, je n'oublie rien, tout se trouve dans mon journal.

J'ouvre la première page du carnet, laissant mes souvenirs m'envahir l’esprit. « Cher journal, aujourd’hui, je suis allée essayer ma robe de mariée. Si tu savais comme elle belle, on dirait une robe de princesse … » Je soupire. Effectivement, s’était une robe de princesse, car Ezra, mon fiancé, était prince. J'avais fait sa connaissance peut après mon retour à Rome. Le garçon suivait lui aussi des cours de commerce international et nous sommes vite devenus amis. Avec le temps, nous sommes tombés amoureux, et il y a à deux ans, malgré ma démission de l'université, malgré mes frasques, la famille du jeune homme avait émis l’hypothèse d’un mariage et les fiançailles n’avaient pas tarder. J'en étais enchantée, je l'aimais beaucoup et devenir princesse ne me faisais pas peur, pourtant, c’était loin d’être un rêve de petite fille. Seulement, c’était trop beau pour durer. Il y a deux mois, alors que enterrais ma vie de célibataire, j'ai soudain compris qu'il n'était pas l'homme de ma vie. Oui, j'aimais passer du temps en sa compagnie, oui, nous nous entendions comme larrons en foire, mais de là à ce que ça dure toute la vie. N'allais-je pas passer à côté du bon garçon si je disais oui ? Je m'étais tournée et retournée dans mon sommeil, sans parvenir à chasser mes doutes et mes craintes, je savais que je lui briserais le cœur, je savais aussi que sa faille n'apprécierait pas, mais je savais aussi que ma famille à moi n’apprécierait pas de savoir que je m'étais mariée sans leur présence. Alors, le lendemain, une fois dans ma superbe robe blanche, une fois devant le pasteur Lorenzo, ce n’est pas un oui que j'ai prononcé, mais un nom. Choquée par mes paroles et alors que les murmures se faisaient dans l’église, j'ai pris la fuite. Après un rapide passage chez moi pour récupérer le carton contenant mon précieux journal intime, j'ai sauté dans un taxi, direction l'aéroport. Et je suis rentrée chez moi. En Australie, là ou se trouve ma famille, parce qu'ils me manquent tout simplement. Le Chat miaula encore une fois. Assis sur les fesses, il me regardait de ses beaux yeux bruns. « C’est bon, tu as gagné ! Je te fais ta gamelle ! » Plaisantais-je, en me levant.

Et bien ! C'est rare que se soit la femme qui dise non le jour du mariage J'ai hâte de voir si elle va trouver son prince charmant

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