L'envie d'un caféComme chaque matin je me levais aux aurores afin de me préparer pour les multitudes de réunions auxquelles j’allais devoir assister. C’était comme ça certain jour, des réunions à la pelle, pas une minute à moi mais j’adorais ça. C’est dans des journées comme celle-ci que je participais à l’évolution du monde et que j’apportais de nouvelles technologies. Aujourd’hui, nous devions justement prendre une décision importante concernant l’utilisation d’une nouvelle énergie pour les moteurs de véhicules afin que ceux-ci deviennent non polluants.
Avant de partir pour le bureau, je pars faire mon petit jogging matinal. Le soleil est en train de se lever dans le ciel laissant une couleur rosé/orangé parmi les quelques nuages encore présents. Il ne fait pas encore trop chaud et c’est agréable de pouvoir fouler le sable encore frais. Il n’y a personne à la plage le matin, juste quelques coureurs, j’en profite pour m’évader grâce aux bruits des vagues. Je cours une bonne demi-heure avant de rentrer prendre une douche et de revêtir mon plus beau costume pour me rendre au travail. Niels, mon chauffeur, m’attend à la voiture. Je prends mon téléphone portable, les clés de la maison et du bureau et la pochette contenant les maquettes et autres dossiers pour les réunions du jour. Je monte à l’arrière de la voiture et je laisse Niels me conduire. C’est appréciable, je n’ai pas à me soucier de la circulation et autres ennuis concernant la conduite. J’effleure l’écran de mon téléphone pour faire défiler les informations de mes contacts sur les réseaux sociaux. Cela me permet de garder un contact avec mes amis d’antan. Une photographie me fait m’arrêter. Il s’agit de Giani, il est en vacances à Hawaii apparemment et il a une fille dans chaque bras. Il n’a pas changé.
L'envie d'un caféIl est encore tôt. Zoey est allongée dans son lit, les yeux grands ouverts à fixer le plafond. Son réveil ne se mettra à sonner que dans un peu plus d'une heure, et pourtant elle est réveillée depuis un moment maintenant. Impossible de se rendormir. Elle a essayé pourtant, mais son esprit ne cesse de partir dans tous les sens, la faisant cogiter pour tout et n'importe quoi. Et maintenant que le soleil est levé, impossible de se rendormir. Alors, après avoir vainement tenté de retrouver Morphée, la blonde finit par se lever pour se diriger vers la salle de bain. Le jet d'eau chaude lui fait un bien fou, et elle reste bien plus longtemps que nécessaire sous la douche, avant d'en sortir et se diriger vers la penderie pour choisir ses vêtements du jour. Elle hésite un instant avant d'opter pour un tailleur basique noir, avec une chemise couleur crème tout aussi basique. La tenue passe partout mais indispensable quand on travaille dans un bureau. Puis elle retourne dans la salle de bain, se sèche les cheveux tout en essayant de les dompter, puis applique un anti-cerne (unique touche de maquillage qu'elle s'octroie) avant d'enfiler ses lunettes à grosse monture noire. Unique touche de maquillage qu'elle s’octroie. Zoey s'observe un instant dans le miroir, avant de soupirer, résignée face à la nouvelle journée qui commence. Mais elle a encore du temps devant elle. Alors, elle décide d'aller prendre un thé dans le Starbucks du coin avant de se rendre au boulot.
L'envie d'un caféL’attente de mon café me semble interminable. Je l’observe et je suis presque sûr qu’il s’agit d’elle, de cette fille au lycée, celle du défi. Oh non je ne suis pas fière de me trouver là dans le même Starbucks qu’elle. Oh non, pourquoi avoir fait ce stupide défi ? Personne ne pourra jamais apporter la réponse à cette question mais à cet instant la seule chose que je souhaite c’est commander mon café et quitter cet endroit le plus rapidement possible. Je continue de l’observer, mes yeux ne pouvant la quitter. Elle est bien différente de l’époque du lycée. Quel abruti j’ai été. Je ne veux pas qu’elle me voit, je n’ai pas envie de lui rappeler le vrai trou du cul que j’ai pu être auparavant… Alors que j’allais détourner mon regard, elle lève sa jolie petite frimousse de son bouquin et pose son regard sur moi. En l’espace de quelques secondes, c’est comme si j’avais quitté la Terre, comme si nous n’étions plus que tous les deux dans ce Starbucks sans personne autour. Ce simple regard échangé m’a fait prendre conscience des sentiments que j’avais caché au plus profond de mon être. Pourquoi avoir fait tant de mal à une personne qui comptait pour moi ? C’était la question que je m’étais toujours posée après cette histoire. Voilà pourquoi j’étais parti, pourquoi j’avais quitté le pays. Mais à cet instant, je regrettais d’être venu, je n’avais pas envie de ressentir toute cette amertume me consumer.
Je me suis certainement perdu dans mes pensées car le vendeur m’observe avec insistance depuis derrière le comptoir et fini par me redemander ce que je désire. Je commande un cappuccino avec une nuage de crème et un beignet le tout à emporter bien sûre. Je n’attends pas bien plus de trois minutes ma commande que je récupère et je finis par me diriger vers la sortie. Je m’arrête sur le pas de la porte et adresse un dernier regard dans sa direction. Elle est toujours dans son livre. C’est peut-être mieux ainsi, ne pas lui parler est peut-être finalement ce qu’il y a de mieux pour elle. Et puis que pourrai-je lui dire ? Désolé ? Connerie oui ! Et c’est d’un pas lourd en regret que je me dirige vers la voiture où Niels m’attend.
L'envie d'un caféElle a détourné le regard. Comme une adolescente prise en flagrant délit. Et, dans le fond, c'est un peu le cas. Pour sûr, il a compris qu'elle l'observait, qu'elle l'avait reconnu. Et ce n'est pas en replongeant la tête dans son livre qu'elle se persuadera du contraire. Ou peut être que si, peut être qu'elle se trompe totalement et que ce n'est qu'une coïncidence ? Oui, ce doit être ça. En tout cas, Zoey tente de s'en persuader. Depuis tout ce temps, il n'a pas pu la reconnaître. Elle a beaucoup changé depuis le lycée. Peut être pas en bien d'ailleurs. Non, durement pas en bien. Elle, la timide, la geek, toujours seule, ses lunettes à grosse monture vissées sur le nez alors qu'elle portait constamment des lentilles à l'époque. Zoey tente de se convaincre qu'il n'a pas pu la reconnaître. Et puis, après cette histoire qui remonte à au moins dix ans, il a dû l'oublier. Oui, il l'a forcément oubliée, contrairement à elle... Comment aurait-elle pu effacer de sa mémoire le garçon qui l'a tant fait souffrir ? Celui qui a fait ce qu'elle est à présent ? Comment oublier ce sentiment de honte qui l'avait submergée ? Cette sensation d'avoir été manipulée ? Impossible. Pourtant elle avait essayé. Essayé de tourner la page. Non, de déchirer cette page et la balancer au feu. Sans succès. Elle est restée dans un recoin de sa mémoire. Dans un vieux tiroir prenant la poussière et pourtant toujours là. Et voilà qu'aujourd'hui tout se mettait à resurgir juste par cet échange de regard...
L'envie d'un caféNiels avait démarré la voiture et le moteur vrombissait maintenant. La circulation s’était densifiée et il était maintenant difficile de s’y insérer pour pouvoir prendre la direction du bureau. J’étais là assis à l’arrière du véhicule la tête dans les nuages. Non je ne pensais pas aux beaux discours que j’allais prononcer toute la journée, oh ça non. Je pensais à Zoey, cette sublime femme que je venais d’apercevoir à l’instant, assise à cette table un livre à la main. Niels avait réussi à s’insérer au milieu des centaines de véhicules qui stationnaient là au milieu de la route en attendant que les feux et que les bouchons se dissipent afin de pouvoir avancer sans percuter le parechoc de la voiture de devant. Je continuais de penser à Zoey à tout ce que j’aurais pu lui dire, à tout ce que je ne lui ai pas dit au lycée mais que j’aurais tant aimé qu’elle sache. Le Starbucks était loin maintenant mais je devais y retourner. Je ne pouvais laisser ma chance passer comme ça. C’est alors que je dis soudainement à Niels : « Faites demi-tour, retournez au Starbucks immédiatement ! » Surpris, Niels freina. « Mais Monsieur ! Vous allez être en retard pour…. » Je ne le laissai pas finir sa phrase et lui dit aussitôt : « J’ai oublié quelque chose au Starbucks. C’est important, dépêchez-vous ! ». Niels fit demi-tour aussi vite que possible et nous voici dans la direction du Starbucks.
Je priais pour qu’elle ne soit pas partie, pour que j’ai une chance de lui parler, de lui dire tout ce que j’avais sur le cœur depuis toutes ses années. Niels ne mis peut-être que quelques minutes à arriver au Starbucks mais cela me parut être des heures. Lorsqu’on arriva enfin devant le café, tous les mots que j’avais tant travailler dans ma tête, toutes les belles paroles que j’avais toujours voulu lui dire c’était envolées. Il ne restait plus rien de tout ce que j’avais tant répété dans ma tête depuis le jour que j’avais brisé sa vie. Je ne dois pas perdre le peu de courage et c’est alors que je descends de la voiture d’un pas décidé. J’entre en trombe dans le Starbucks, ce qui fait se retourner quelques clients mais je n’y prête pas attention. Je la vois, elle est toujours là, assise le nez dans son livre avec ses lunettes. Je m’approche d’un pas franc jusqu’à sa table et c’est alors que je dis bêtement : « Salut Zoey ». Mais à quoi je peux bien m’attendre avec un Salut Zoey. Quel naze.
L'envie d'un caféZoey finit par se détendre, retournant à son occupation première, à savoir son bouquin. Pourtant, elle n'arrive pas se concentrer sur ce qu'elle lit, reprenant plusieurs fois la même phrase sans vraiment l'assimiler. Le fait est qu'elle n'est pas concentrée. Elle ne l'est plus. Son esprit dérive vers Liam. Elle qui pensait pouvoir oublier un jour son nom... impossible. Semble-t-il aussi que l'univers tout entier veut qu'elle le garde en mémoire. A commencer par son visage figé sur papier glacé, lui rappelant constamment à quel point il avait réussi dans la vie contrairement à elle. Oh, elle ne s'en sort pas trop mal, il ne faut pas non plus exagérer. Mais par rapport au grand Liam Bates, c'est de la pacotille de bas étage... Après le lycée, la blonde avait eu vent comme quoi il était parti faire ses études en Amérique. Elle ne pensait vraiment pas le revoir un jour. Et surtout pas ici, dans le Starbucks où elle vient fréquemment. Que faisait-il donc ici ? Pourquoi n'était-il pas resté là-bas ? Et surtout pourquoi le karma semblait vouloir lui jouer à nouveau ce tour affreux ? Une multitude de questions se bousculaient à présent dans la tête de Zoey. Impossible pour elle de se concentrer sur son roman. Et elle s'attend au pire pour quand elle devra se rendre au boulot et taper des lignes de codes. La jeune femme soupire tout en se donnant une claque mentale. Reprends-toi. Il est parti. Tu ne le reverra plus.
L'envie d'un café«Vous vous trompez de personne, je m'appelle Maria ». Je ne pouvais pas vraiment lui en vouloir. Mentir, voilà la meilleure défense pour se protéger d’une personne nocive. Etais-je nocif ? Cette idée me fit froid dans le dos mais est-ce que je pouvais vraiment lui en vouloir d’avoir cette réaction à mon sujet ? Bien sûr que non ! Voilà que je me mettais à faire un monologue dans ma tête en posant les questions et en apportant les réponses. Fallait que je cesse où j’allais me noyer et passer pour un demeuré. L’espace d’un instant, elle avait encore quitté les pages de son livre et m’avait regardé. Je savais qu’elle m’avait reconnu, j’en étais sûre je le sentais au plus profond de moi. Mais sérieusement, Maria ? Fallait qu’elle trouve mieux que ça. Sans me décontenancer, je prenais une chaise et m’installait face à elle. Elle ne me ferait pas partir si facilement. « Maria ? Eh bien, je ne me serais pas douté que tu me donnes ce prénom, Z..O..E..Y ! » lui dis-je en prenant bien le soin de prononcer chaque lettre de son prénom avec insistance. Elle devait sans doute plus se rappeler qu’elle m’avait passé son permis de conduire lorsque nous étions ensemble. Zoey Maria Caulfield, voilà les informations qu’il y avait d’inscrite sur sa carte. Mais elle n’allait pas m’avoir à ce petit jeu, oh ça non, je suis le plus malin dans ce domaine. Je l’observais, fixement, sans sourcilier. Son doux visage m’avait tant manqué. De la voir, assise là un livre dans les mains me rappelait tant de souvenirs. Est-ce que je souhaitais vraiment ressasser le passé ? Je pense que oui. C’est un chapitre de ma vie que je n’ai jamais vraiment pu refermer. « Ecoute Zoey, je sais ce que tu penses de moi. Enfin, je me doute de ce que tu penses, mais je ne suis plus le même aujourd’hui. » Je lui balançais ces inepties sans grande conviction. Est-ce que j’avais vraiment changé ?
L'envie d'un caféMaria. Prénom qu'elle donne lorsqu'elle ne veut pas se faire importuner par la suite. Pas vraiment un mensonge puisqu'il s'agit de son deuxième prénom, présent sur son acte de naissance. Non, ce qui lui pose problème présentement, c'est qu'elle ne sait plus si Liam est au courant ou non. Mais elle tente, malgré tout. Le nez dans son bouquin, Zoey guette le moindre signe annonciateur du départ du brun. En vain. Au contraire, il s'installe en face d'elle. Reprend la parole en insistant sur son prénom. Mâchoire crispée, la blonde ne lève pas le nez de son bouquin. Elle a du mal à croire qu'il l'aie reconnue si facilement. C'est qu'elle a bien changé depuis l'époque du lycée. Si à cette période, elle prenait soin d'elle, se maquillait et portait des lentilles, une fille concernée par son apparence jusque dans les détails, désormais il en est tout autre. Il n'y a bien que pour le travail qu'elle fait un effort. Mais c'est bien parce qu'elle est obligée de bien présenter. Et encore, elle fait le stricte minimum....
L'envie d'un caféPourquoi est-ce que j’étais revenu dans ce café ? Pourquoi fallait-il à tout prix que je lui parle, que je vienne lui balancer des phrases auxquelles je n’étais même pas sûr d’y croire. Le pensais-je vraiment ? Étais-je vraiment désolé de ce que je lui avais fait par le passé ? Peut-être que je me comportais de cette manière car je voulais me racheter une conscience. Je savais très bien que ce que j’avais fait été mal, que je l’avais blessé et peut-être même pire que ça. « Qu’est-ce que tu veux ça te fasse ? Oh, et bien je ne sais pas moi, tu pourrais très bien te mettre littéralement en colère contre moi, je le comprendrais très bien ! Tu pourrais m’envoyer valser ton café en pleine tête ou bien me poser une gifle que jamais tu n’as pu donner. Bref, tu pourrais te défouler sur moi, sur le mec qui t’a fait le pire que l’on puisse faire à une personne. J’ai été un con, vraiment et dans tous les sens du terme mais putain réagi, fais quelque chose merde. Ne reste pas assise là, caché derrière tes lunettes et ton bouquin. Dis-moi ce que tu as sur le cœur. Parle-moi ! »
Je m’étais emporté. Les mots étaient sortis tous seuls, je n’avais pu les retenir. Au fond, c’est ce que je voulais. Je voulais qu’elle me parle qu’elle s’exprime. Je voulais qu’elle se venge. Je voulais qu’elle comprenne que savoir ce qu’elle avait sur le cœur était le plus important pour moi. Mais je ne voulais pas la blesser, non pas encore une fois. Je souhaitais tellement qu’elle me fasse ressentir ce qu’elle a ressentie quand je l’ai lâché comme une vieille chaussette dont on a plus l’utilité. Mais n’avais-je pas été trop dur avec elle à l’instant ? Je remuais sur ma chaise comme si j’avais une envie pressante d’aller aux toilettes. La situation allait dégénérer, là, dans ce café bondé à huit heure du matin. Et c’était entièrement de ma faute. « Désolé » je finis par lui dire en détournant les yeux comme un enfant qui a fait une bêtise. J’en avais presque oublié sa deuxième question. Je finis par lui répondre. « Je veux que tu me parles, que tu… » Je m’interromps. Je ne savais pas ce que je voulais finalement…
L'envie d'un caféUne myriade de questions se bousculent dans la tête de la blonde. Pourquoi est-il venu la voir ? Dans quel but ? Pourquoi n'a-t-il pas continué sa route ? Que lui veut-il donc après tout ce temps ? Zoey garde contenance du mieux qu'elle le peut. Pire, elle frôle l'indifférence. Mais elle parvient malgré tout à lui demander, de but en blanc, ce qu'il attend d'elle. Elle ne comprend pas pourquoi il est venu la voir. Surtout après tout ce temps. Quel intérêt ? En l'ayant vu dans ce café, aurait-il soudain pris conscience que la blonde existait toujours ? S'est-il rappelé de ce qu'il lui a fait en la reconnaissant ? Pire encore, souhaite-t-il encore une fois se jouer d'elle ? Zoey commence à sentir une boule d'angoisse se former dans son ventre à force d'imaginer tous les scénarios possibles. Et alors qu'elle boit l'ultime gorgée restante de son thé, Liam reprend la parole, la prenant totalement au dépourvu. Déroutée l'espace de quelques instants, la jeune femme se reprend bien vite. Ne rien laisser paraître devant lui. Rien. Et même si elle donne l'impression de se ficher éperdument de ce qu'il peut dire – ce qui, dans un sens n'est pas totalement faux – elle l'écoute attentivement.
L'envie d'un caféJe parlais et elle restait là à m’observer sans dire un mot, complétement impassible. L’atmosphère me semblait lourde tout à coup et j’entendais mon cœur battre à tout rompre. J’avais complétement occulté les personnes présentes dans la pièce comme si nous n’étions plus que tous les deux à présent. J’attendais qu’elle me réponde, qu’elle me gifle, qu’elle fasse quelque chose. Le temps semblait tellement long tout à coup, comme s’il s’était brusquement arrêté autour de nous. Puis tout à coup, je sens son regard se poser sur moi, un regard lourd en mot et c’est là qu’elle commence à parler, enfin. Là qu’elle s’exprime, même si je le sens, ce n’est pas seulement ce qu’elle veut me dire. Elle a ouvert la bouche, je l’ai atteinte, j’ai cassé sa carapace pour qu’enfin elle prononce ces quelques mots. Je l’écoute, je ne peux rien faire, ces mots me percutent mais je reste là à l’observer comme si tout à coup j’étais devenu muet. J’absorbe chacun de ces mots et les retourne dans ma tête comme pour comprendre ce qu’ils veulent dire. Quand elle s’arrête enfin, je n’ai rien à lui répondre. En même temps que pourrais-je lui dire ? Un simple désolé et loin d’être suffisant dans cette situation. Je lui ai fait tellement de mal. Et c’est alors qu’elle reprend dans un énième souffle. Elle balance le fond de sa pensée dans un monologue qui me semble interminable. L’atmosphère me semble encore bien plus lourd tout à coup. Depuis combien de temps sommes-nous là à discuter tous les deux ? Dix minutes ? Une demi-heure ? Je ne saurais trop le dire, mais le café est maintenant bondé et à plusieurs reprises des personnes viennent bousculer ma chaise.
Puis elle s’arrête comme elle a commencé, sur ces quelques mots qui viennent me frapper en plein cœur. Dix ans, j’ai vraiment mis dix ans et j’espère quoi aujourd’hui ? Je suis vraiment un con parfois mais je ne pouvais pas partir de ce café sans la voir, sans lui parler, sans tenter d’avoir une seconde chance. Je savais les risques que je prenais en venant la voir à sa table. Et alors que je m’apprête à lui répondre, je la vois mettre son écharpe et filer à l’anglaise pour aller au travail. Merde le travail ! Je vais être en retard, ce n’est pas dans mes habitudes. Je regarde l’heure et passe un rapide coup de téléphone au bureau pour les prévenir. J’attrape à la hâte mon manteau que j’enfile tant bien que mal en passant au travers des personnes agglutinées au comptoir pour commander leur café. Une fois dehors j’observe à gauche et à droite avec hâte et anxiété. Pourvu qu’elle ne soit pas encore partie. Et c’est là que je l’aperçois. Je la rattrape, et je lui dis : « Je n’ai pas besoin que tu me dises ce que tu penses de moi, j’en ai une petite idée crois-moi. Et je me déteste assez pour ce que je t’ai fait, donc je ne pense pas que tu puisses faire pire si ? Je ne recherche pas ton pardon, oh ça non, je veux juste savoir comment tu vas, comment tu t’en sors aujourd’hui ! Y a dix ans j’ai été un vrai connard, ce n’est pas pour rien que j’ai saisi l’opportunité de quitter le pays. Si tu crois que je n’ai pas souffert moi non plus tu te trompes, je… ». Je ne pouvais pas continuer, elle ne devait pas savoir mes sentiments de l’époque. Je repris « Je ne veux rien oublier, oublier serait la facilité, non je veux vivre avec le poids du regret. J’aimerais juste savoir comment tu vas, essayer de me faire pardonner mais pas dans l’immédiat. Non je veux que tu apprennes à me connaître. Avant de dire non, sache que j’ai beaucoup changé, le connard du lycée a bien changé depuis, enfin j’espère avoir changer et puis… » Je n’eus le temps de finir ma phrase que Niels m’interrompait.
L'envie d'un caféElle ne pouvait plus rester là, en face de lui. L'avoir si proche d'elle, parler indirectement de ce qui s'est produit il y a dix ans fait invariablement remonter des souvenirs que Zoey a eu tant de mal à enterrer au plus profond de sa mémoire. Pourquoi ? Pourquoi est-il revenu maintenant ? Elle ne comprend pas, mais lâche une infime, toute petite partie de ce qui lui pèse sur le cœur depuis tout ce temps. Elle qui pensait s'être débarrasser de toute ça, finalement, ce n'est pas le cas. C'est déjà trop pour elle. Alors, sans un mot et sans attendre une quelconque réaction de la part de Liam, elle s'emmitoufle dans ses vêtements, annonçant qu'elle doit aller travailler. Excuse parfaite pour fuir, mais excuse valable et véridique vue l'heure qu'il est.
Une fois dehors la jeune femme s'arrête net, inspire un grand coup, l'air frais entrant dans ses poumons. Ça fait mal, et en même temps du bien. Il faut qu'elle se reprenne. Elle ne peut pas se rendre au bureau dans cet état. Pourquoi faut-il que le passé resurgisse maintenant ? La blonde est perdue et dans l'incompréhension la plus totale. Mais alors qu'elle se décide à se mouvoir, faisant quelques pas à peine, la voix de Liam raisonne dans son dos. Zooey s'arrête net, mais ne lui fait pas fasse pour autant. Ce n'est que lorsqu'il affirme vouloir savoir comment elle va et non rechercher son pardon, que la jeune femme se décide à pivoter, n'écoutant désormais plus qu'à moitié ce que le brun lui dit. Elle ne se rend même pas compte qu'il avoue avoir quitté le pays à cause de toute cette histoire. D'ailleurs, elle ne savait même pas qu'il était parti, ne souhaitant plus jamais entendre parler de lui à cette époque. « Tu veux savoir comment je vais ? Tu m'as détruite, littéralement. A l'époque, j'étais déjà au plus mal, puis t'es arrivé, comme un preux chevalier au moment où j'en avais le plus besoin. J'ai trouvé ça louche au début si tu te souviens bien. Et finalement j'ai abdiqué. J'comprenais pas comment un type comme toi pouvait s'intéresser à une fille comme moi. Mais j'étais vraiment amoureuse de toi Liam. Vraiment. J'pensais pas pouvoir y avoir droit à cette époque de ma vie. J't'ai fait confiance, suffisamment pour franchir le cap de l'intimité avec toi. Et toi ? Toi t'as fait quoi ? T'as joué ! T'as pris mon cœur et tu l'as broyé en mille morceaux, tout ça pour un putain de pari ! J'me souviendrai toujours de ce sourire que tu affichais quand tu m'as tout révélé devant tes copains hilares ! Et tu veux me faire croire que t'as souffert ? Arrête de me prendre pour une idiote ! » Zooey s'est emportée. Les passants les regardent, intrigués. Mais contrairement à tout à l'heure, elle se fiche pas mal de faire un esclandre en pleine rue. Un poids immense vient de la quitter alors qu'elle a craché tout ce qu'elle avait sur le cœur depuis toutes ces années. Là, tout de suite, elle se ferait bien une ligne...
L'envie d'un caféEn sortant, en lui courant après, je ne sais pas trop à quoi je m’attendais. Ce n’était sûrement pas une bonne idée, tout comme être aller lui parler mais bon quitte à faire des mauvais choix, autant les poursuivre. Nous étions là dans la rue et je le savais elle était sous pression comme une cocotte-minute prête à exploser à tout instant. Mais tant pis je devais me risquer à lui dire le fond de ma pensée. Je me devais, non, je lui devais de tout déballer, elle devait tout savoir. Elle devait à tout prix changer l’image qu’elle avait de moi et peu importe ce que cela allait me coûter. Mais à cet instant lorsqu’elle a commencé à répondre à ma question, j’ai su que j’aurais dû la fermer. Je n’avais pas envie d’entendre ça, ce qu’elle avait réellement à me dire. En fait, qu’est-ce que j’espérais qu’elle me dise réellement ? Après avoir entendu tout ce qu’elle pouvait avoir sur le cœur, enfin, j’espérais que ce soit tout ce qu’elle avait sur le cœur. Je me risquais à lui répondre et puis est-ce que je pouvais réellement faire plus dans le mélodrame aujourd’hui ? Revoir une ex que j’ai brisé et lui parler jusqu’à même la pourchasser dans la rue pour finir notre conversation. Pitoyable. « Ecoute, je sais que je me suis comporté comme un connard ok ? Mais tu ne connais pas toute l’histoire. Le gars que j’étais à l’époque ? Tu ne le connaissais pas non plus ! Je sais à quel point je t’ai fait du mal crois-moi. Ce n’était pas parce que je t’avais jeté que je ne me préoccupais pas de toi ! Je surveillais tout ce que tu pouvais faire au lycée, ceux que tu côtoyais, ce que tu faisais au pause, TOUT ! J’ai joué au con et j’en suis navré mais j’avais la pression de l’équipe, j’étais le dernier, le dernier à ne pas avoir relevé le défi imposé et je n’avais pas le choix, tu avais été désigné. En soi, cela ne me gênait pas plus que ça que ce soit toi, enfin au début parce que crois le ou non, tout a changé avec le temps. Au bout de quelques semaines je ne te voyais plus comme mon défi, tu étais quelqu’un pour moi, j’avais des sentiments pour toi. Oui tu me croiras certainement pas mais je t’aimais et jamais je n’ai voulu te blesser. Matthews le savait et il m’a fait chanter. Il avait des trucs contre moi, des trucs qui auraient ruiné mon avenir alors je n’ai pas eu le choix que de jouer le jeu. » Je fis une pause. Je regardais le ciel. Il commençait à virer au gris. Fini la belle journée et puis le temps commençait étrangement à ressembler à l’état de mon cœur actuellement. Je repris « Si j’avais pu je ne t’aurais jamais fait ça. J’ai quitté le pays pour cette raison. Je ne pouvais affronter ce que je t’avais fait ! C’était plus facile pour moi de fuir que de t’affronter chaque jour dans cette ville. Et puis, il a fallu que je revienne… » Je ne dis mot. La douleur que je ressentais, que j’avais ressentie par le passé était de nouveau là dans ma poitrine me serrant le cœur si fort que je ne pouvais à peine respirer.
« Les types comme toi ne changent pas. Et si tu crois que... » « Si les mecs comme moi ils changent. Ils ne refont pas les mêmes erreurs » dis-je à voix basse. Niels vint me prévenir que nous devions partir et que j’avais un retard de vingt minutes déjà. « Non Niels, ce que je fais est plus important. Annulez ma journée. » Niels me regarda les yeux complètement écarquillés mais, il savait qu’il ne devait pas me contredire. « Bien Monsieur. » Puis il tourna les talons et retourna à la voiture.
L'envie d'un caféIl voulait savoir la vérité ? Eh bien Zoey venait de la lui balancer sans filtre, en pleine rue, au milieu de la foule. Elle avait tout déballé, avouant même au passage avoir eu de réels sentiments pour lui. Du moins, elle révéla le plus gros de cet épisode qu'elle préférerait oublier. Car s'il y a bien une chose que Liam ne peut pas comprendre, c'est le ressenti de la blonde. Détruite est un faible mot pour mettre sur ce qu'elle a pu ressentir à cette époque de sa vie. A ce moment où, devant ses copains, le brun l'a envoyée promener un sourire sur les lèvres, avouant au passage que tout ceci n'était qu'une vulgaire pièce de théâtre. Un rôle qu'il a joué pendant des semaines, tout ça pour gagner un pari. Prendre la virginité de Zoey juste par fierté. Non, il ne peut pas comprendre ce que ça fait. Personne ne peut comprendre avant de l'avoir vécu. Et Zoey s'en serait bien passée. Le moral déjà au plus bas, quoique remonté malgré tout grâce à Liam et leur relation avant que ça ne dégénère, cet épisode traumatisant n'a en rien arrangé les choses. Pire que ça, il plongea la blonde au fond du gouffre où elle peine à garder la tête hors de l'eau.
Zoey ponctue son récit par une phrase qu'elle pense vraie. En tout cas elle en a l'intime conviction. Les types comme lui, les gosses de riches qui se croient au dessus du lot ne changent pas, et ne changeront jamais. Pourquoi faire ? Pourquoi subitement changer de comportement vis à vis du reste du monde ? Quel intérêt quand on a tout, qu'on peut tout avoir et tout se payer ? La blonde lui lance un regard noir à travers ses lunettes à grosses monture. Elle pensait que Liam jetterait l'éponge. S'apprêtant à reprendre son chemin, le brun reprit contre toute attente la parole, dans un monologue presque aussi long – si ce n'est plus – que ce lui de Zoey. Elle l'écoute, mais ne croit pas un mot de ce qu'il peut raconter. Comment le pourrait-elle après ce qu'il a fait ? Impossible. Impossible de croire qu'il tenait à elle. Que peut être même il avait des sentiments. Mensonges. Mensonges pour s'alléger la conscience. Oui, ce n'est que ça. Sur le ton du sarcasme, Zoey reprend la parole. « Tu tenais tellement à moi que tu m'as rabaissée plus bas que terre. Quelle preuve d'attachement, vraiment ! Du grand art ! Et puis, ruiner ton avenir... valait mieux ruiner celui de la pauvre Zoey Caulfield plutôt que celui du grand Liam Bates ! » Liam ne s'imagine pas l'impact qu'il a eu sur Zoey suite à ça. Les conséquences de son acte. La jeune femme se replia encore plus sur elle même, commença à ne plus venir en cours car croiser Liam la faisait beaucoup trop souffrir. Le regard des autres sur elle aussi... la blonde avait l'impression que tout le monde était au courant et qu'ils se fichaient d'elle ou au contraire, qu'ils la prenaient en pitié. Elle devenait parano, croyant être devenue le nouveau sujet de discussion du lycée. Alors, elle n'y mit plus les pieds, suivant les cours à domicile, sans en parler à son père bien évidemment. De toute façon, il était trop absorbé par ses propres soucis existentielles et l'alcool que s'occuper de sa fille unique.
L'envie d'un caféLe ciel s'est assombri aussi vite que l'humeur de Zoey peut changer. Une scène digne des films à l'eau de rose des après-midi. Et maintenant, voilà que la pluie s'ajoute à la partie. Pour l'instant, ce ne sont que quelques gouttes mais Zoey se dit qu'il vaut mieux ne pas traîner ici, car elle n'a pas prévu le coup et surtout, son entreprise n'est pas juste à côté. Alors, quand Liam lui ordonne presque de dire ce qu'elle ressent, la blonde lâche tout. A bout de nerf, elle lui avoue tout, et surtout qu'elle le déteste à un point qu'elle ne pensait pas possible. Elle qui n'est pas bavarde et ne se confie jamais, on peut dire que la situation est plus qu'inhabituelle quand on voit les tirades qu'elle lui sert. Mais c'est plus fort qu'elle. Hors de question que Liam gagne la partie après tout ce qui a pu se passer entre eux et surtout comment leur relation s'est terminée. Le brun reprend la parole. Bras croisés, capuche du sweat rabattue sur la tête, Zoey l'écoute avec plus d'attention qu'elle ne l'aurait cru. Et ses derniers mots la font ricaner. Est-il sérieux ? Elle arque un sourcil, l’œil interrogateur. Le regard intense de Liam posé sur elle la déstabilise quelque peu mais il n'exprime cependant rien d'autre que de la sincérité. Soit c'est ça, soit Liam est un très bon acteur, ce en quoi Zoey ne doute pas. « Tu t'entends parler ? Mais tu crois que j'ai fait quoi ces dix dernières années hein ? Tu crois pas que j'ai tenté d'oublier ? Mais comment tu veux oublier un truc pareil ? Ça prouve bien qu'au final, tu réalises pas du tout l'impact que ça eu sur ma vie ! » Zoey s'emporte, fait de grands gestes et lève les yeux vers le ciel gris. Elle hésite un moment, et finalement, elle se décide à poursuivre, histoire que Liam comprenne une fois pour toute les conséquences psychologique que prendre sa virginité pour un pari a pu avoir sur elle. « Toutes mes relations amoureuses sont un échec depuis ! J'arrive plus m'attacher par peur de revivre la même chose alors forcément ça ne durent jamais longtemps ! Et puis merde ! J’avais tourné la page, et puis quoi ? Liam Bates qui se pointe dix ans après et qui fait tout remonter à la surface ! » Zoey s'arrête. Elle sent les larmes qui montent mais surtout, qu'elle ne pourra pas les retenir encore très longtemps. Sauf qu'elle ne veut pas être aussi faible devant Liam. Elle l'est déjà en lui avouant n'avoir aucune relation amoureuse. Intérieurement, la blonde prie pour que la pluie s'intensifie. Au moins, on ne verra pas les larmes rouler sur ses joues...